mardi 9 mars 2010

Orée de Rue Deschambault 1


Lorsqu'il fit construire la nôtre, mon père prit comme modèle la seule autre maison qui se trouvait alors dans cette petite rue Deschambault sans trottoir encore, fraîche comme un sentier entre des buissons d'aubépine, et, en avril, toute remplie du chant des grenouilles. Maman était contente de la rue, de la tranquillité, du bon air qu'il y avait là pour les enfants, mais elle protesta contre l'imitation servile de la maison- un peu éloignée de la nôtre heureusement- de notre voisin, un M. Guilbert, collègue de mon père au ministère de la Colonisation, par ailleurs son ennemi en politique, car papa était demeuré passionnément fidèle à la mémoire de Laurier, au lieu que M. Guilbert, à l'avènement du parti conservateur, avait « retourné son capot ». Les deux hommes avaient de grosses chicanes à ce sujet.

Mon père s'en revenait en mâchonnant sa petite pipe de plâtre. Il annonçait à ma mère:

- C'est fini je n'y remets plus les pieds. Ce vieux fou, avec son Gouvernement de Borden! Ma mère l'approuvait:
- Eh oui, reste donc chez toi plutôt que d'aller chercher chicane à tout bout de champ.
Seulement, pas plus que mon père avec M. Guilbert, ma mère ne pouvait se passer d'escarmouches avec Mme Guilbert.

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